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Comme le coyote, avec l’avènement de la technologie et de l’intelligence artificielle générative, avons-nous franchi le seuil du danger sans anticiper notre chute ?

Sommes-nous en déconnexion entre la réalité physique, énergétique et éthique ?

Il semble que nous traversions une énorme déconnexion entre la réalité physique, énergétique et éthique de ce que nous propose l’IAG (intelligence artificielle générative) et les actions souhaitables pour protéger nos données, garantir un avenir durable et respecter les valeurs humaines fondamentales. Néanmoins, l’attrait irrésistible de Road Runner (Bip Bip), ayant désormais pris la forme de l’IA et de son accélération nous séduit réellement. À l’image du coyote, nous sommes fascinés par les promesses de l’IAG et apprécions les performances et le confort offerts par ces outils. Tel le coyote, notre appétit pour l’innovation prend le dessus sur notre raison, et nous courrons tous collectivement après ce bel outil appétissant qu’est l’IA.

Tel le coyote, notre appétit pour l’innovation prend le dessus sur notre raison

Nous poursuivons ce Road Runner (Bip Bip) ou, plus exactement, nous adoptons cette IA, tout en espérant freiner à temps avant de tomber dans le vide. Toutefois, nous prenons de plus en plus conscience qu’avant de nous engager dans cette course aux usages de l’IA, il nous faudrait d’abord identifier l’emplacement de la falaise pour mieux anticiper cette chute.

coyote et le road runner Bip Bip

Coyote et le road runner Bip Bip – tel l’humain, le coyote est rattrapé par les lois de la physique, ici la gravité, qu’après avoir pris conscience de sa propre bêtise – Warner Bros – Création Chuck Jones

Notre voisin de bureau, nos enfants, l’entreprise concurrente, ou le pays voisin se sont déjà élancés derrière l’IA. Alors, pourquoi prendre du retard en doutant des conséquences possibles ? Pourquoi ne pas courir comme les autres après cet outil ?

Regardons le contenu et le scénario de ce cartoon Bip Bip, c’est très riche d’enseignements. Bip Bip (du latin Accelleratii Incredibus) est un oiseau coureur ultra rapide, que Vil Coyote (du latin Carnivorus Vulgaris), affamé, compte bien déguster, c’est le prédateur en puissance.

Le coyote, c’est le prédateur en puissance

Ce Vil Coyote est la caricature même des erreurs humaines et de nos biais, qui nous poussent à céder aux sirènes de l’innovation et du progrès.

Seuls les caricaturistes et les humoristes savent nous décrire ces gags récurrents de nos biais humains, qu’on finit par reconnaître et qui viennent ponctuer nos tentatives de progrès. Avec du recul, un peu d’amour et d’humour, on se prend de compassion pour ce pauvre animal qu’est cet humain, qui finalement, ne tombe que quand il se rend compte qu’il est dans le vide, ou met au point un nouvel outil, tel le parapluie, qu’il ouvre vainement pour ralentir et se protéger d’une immense crise qui lui tombe dessus. Parfois même, une solution innovante qui lui a servi lors d’un essai précédent au cours de l’épisode se retourne contre lui plus tard, alors qu’on n’y pensait plus forcément – en tout cas, Vil Coyote, lui, l’avait complètement oublié ! Dans le domaine de l’innovation, on appelle cela l’effet rebond. Dans Bip Bip, il s’agit juste de gags. Ces gags, basés sur les lois de la physique ou liés aux effets rebonds des innovations, sont-ils devenus la marque de fabrique de nos avancées technologiques ?

Ces gags, basés sur les lois de la physique ou sur les effets rebonds des innovations

Coyote nous fait un rappel sur les lois de la physique

Coyote nous fait un rappel sur les lois de la physique

L’articulation du cartoon Bip Bip, et le lien entre nos biais humains et nos innovations technologiques

Reprenons les règles du dessin animé (source : Wikipedia) et faisons le parallèle avec les biais humains et les innovations technologiques :
1 : Bip Bip ne peut blesser Vil Coyote sauf en hurlant « Bip ! Bip ! ». Un peu comme l’IA, qui ne nous veut que du bien. Ce n’est donc pas elle qui est la cause de notre malheur, mais bien ce que l’on en fait et ce que l’on va provoquer avec elle.
2 : Aucune force extérieure ne peut blesser le Coyote – si ce n’est sa propre incompétence ou les produits qu’il fabrique pour attraper Bip Bip. Exactement ce que l’on retrouve dans les comportements observés avec l’IA. Faire des effets Ghibli avec l’IA, c’est beau et cela ne blesse personne. Sauf, qu’à vraiment y regarder de plus près, le pillage décomplexé de la créativité d’une œuvre majeure et la consommation énergétique engendrée pour l’apprentissage et la génération des images, est très lourde de conséquences.
3 : Le Coyote pourrait s’arrêter à tout moment s’il n’était pas aussi fanatique (rappel : « Un fanatique est une personne qui redouble d’efforts en oubliant le but de sa poursuite » – George Santayana). Pour l’humain, il est encore tout à fait temps de ralentir dans cette course effrénée au progrès technologique et à l’adoption massive de l’IA sans réelle contrainte.
4 : Jamais de dialogue, excepté le légendaire « Bip ! Bip ! » ou, à l’occasion, une inscription laconique sur une pancarte au moment même où Vil Coyote réalise qu’il court douloureusement à sa perte. Idem pour l’IA, pas de dialogue, pas de débat public organisé pour nous permettre de réfléchir collectivement sur le sort que l’on se réserve avec une adoption de l’IA non encadrée. Il y a bien quelques pancartes, comme l’EU Artificial Intelligence Act, mais qui parmi vous est allé la lire dans le détail avant de rédiger vos premiers prompts ?
5 : Bip Bip doit rester sur la route, pour la seule raison qu’il est un roadrunner. Un peu comme les acteurs de l’IA, qui restent sur leur route, et reporte la responsabilité sur nos usages.
6 : Toute l’action doit se dérouler dans le milieu naturel des deux personnages, le désert du Sud-Ouest américain. Si l’on prend du recul, c’est un peu le cas de l’IA, où finalement, toute l’action se déroule dans quelques datacenters assez éloignés de nos yeux.
7 : Tout outil, arme ou équipement mécanique doit provenir de la compagnie ACME Corporation. Comme dit plus haut, nous sommes finalement victimes de nos usages, et non de l’IA en elle-même.
8 : Utiliser aussi souvent que possible la loi de la pesanteur comme ennemi numéro un du Coyote. Ca, c’est vraiment l’idée la plus géniale de ce cartoon ! Et c’est aussi bête que cela pour nous humain, nous oublions totalement que la terre a des limites physiques, dont certaines sont déjà dépassées depuis un petit moment, et bêtement, petit à petit, nous sommes rattrapés par les lois de la physique avec lesquelles nous n’arrivons pas à négocier. Ce point de ce cartoon est très important, car il nous permet de comprendre que ce n’est pas l’innovation et le progrès la cause des crises en cours et à venir, mais bien le fait nous dépassons les limites planétaire et que les lois de la physique nous rattrapent.
9 : Le Coyote est toujours plus humilié que blessé lorsqu’il échoue. Sur ce dernier point, c’est un peu le cas jusqu’à présent, et pourvu que nous puissions nous remettre des chocs le plus longtemps possible.

Bip-Bip et le coyote -ACME - Warner Bros

Le coyote à la poursuite de Bip Bip avec ses outils ACME – Warner Bros – Création Chuck Jones

Ce cartoon du coyote à la poursuite de Bip Bip doit nous permettre de mieux comprendre le comportement de l’être humain qui a une tendance naturelle à « surestimer ses capacités » à maîtriser une nouvelle technologie et à « sous-évaluer les risques potentiels ». Cette surestimation, combinée à la pression sociale et à la recherche de la facilité, peut conduire à des « décalages de la réalité » et à des prises de risques inconsidérées face à l’innovation technologique. À l’instar du coyote qui poursuit Bip Bip, l’individu ou le collectif peuvent être tellement focalisés sur les bénéfices potentiels d’une technologie qu’ils en oublient d’évaluer les dangers et les conséquences négatives.

une tendance naturelle à « surestimer ses capacités » à maîtriser une nouvelle technologie et à « sous-évaluer les risques potentiels »

En fait, comme le coyote, nous ne sommes pas bien armés face à nos erreurs individuelles et collectives.

La notion du risque ou l’erreur devraient pourtant être nos principaux atouts dans nos processus d’apprentissages. Tel l’apprentissage du vélo, où chaque chute nous a permis de progresser, mais également, nous a fait prendre conscience qu’il ne fallait pas prendre de risque inconsidéré lors de nos parcours à vélo.

Mais alors, pourquoi apprenons-nous si peu de nos erreurs et pourquoi avons-nous si peu conscience des risques ? Ou peut-être, plus exactement, dans le cas de nos innovations, ne voyons-nous pas le bout de la falaise et qu’il y aura forcément un rappel des lois de la physique, si nous consommons tant d’énergie, tant d’eau, tant de métaux, pillons tant de données, pour bénéficier des services de l’IA ?

Comment chercher à développer notre capacité à déterminer si nous sommes ou non sous l’emprise de l’effet coyote ?

Alors, comment chercher à développer notre capacité à déterminer si nous sommes ou non sous l’emprise de l’effet coyote ?

Voici quelques facteurs qui peuvent agir négativement ou positivement sur l’apparition ou non de l’effet coyote dans le domaine de la tech :

  • Votre conscience des risques qui est proportionnelle à votre expérience, ainsi qu’à vos connaissances sur les risques du domaine. Cette expérience nous fait cruellement défaut dans des domaines d’innovations sur lesquels nous n’avons pas d’expérience, typiquement, sur le déploiement à grande échelle de l’IA.
  • Vous vous intéressez naturellement à la connaissance scientifique disponible sur l’état du monde, climat, énergie, extraction minière à travers de votre veille personnelle ou en participant à des ateliers collectifs comme la Fresque du Numérique ?
  • Votre attitude dans votre vie de tous les jours vis-à-vis des risques. Êtes-vous un conducteur plutôt prudent, ou non ?
  • Votre personnalité, qui va conditionner votre manière d’agir, avec des profils à risques connus : invulnérable, macho, laisser faire, etc.
  • Le contexte de vos projets, avec ses enjeux qui sont plus ou moins importants et la pression qui en découle.
  • Votre capacité à raisonner avec une approche systémique, permettant de prendre en compte ou non, les interdépendances sur les ressources mobilisées par l’objet du système que vous exploitez.

Alors, pour nous aider à prendre mieux conscience de nos choix et de nos usages des innovations, telle que l’IA, regardons bien dans les yeux ce coyote dans sa chute, et qui nous fait un petit geste de sa patte. Personnellement, je crois qu’il nous envoie un message qu’il serait bien d’écouter. Il nous le fait avec tendresse, et avec humour, pour mieux nous toucher.

Merci à lui !

Coyote et les lois de la physique

Coyote et les lois de la physique